lundi 21 mai 2012

Portugal : un système de santé anesthésié par l'austérité

C'est un service de pointe, dans lequel s'investit une équipe enthousiaste, mais un service coupé en deux. A l'hôpital São João de Porto, l'un des principaux hôpitaux publics du Portugal, 240 lits accueillent les patients en médecine interne, un service pluridisciplinaire qui permet de traiter des pathologies complexes, au carrefour de plusieurs spécialités. 

D'un côté, le service offre toutes les prestations d'un hôpital ultramoderne : une infirmerie accessible derrière de larges baies vitrées, des chambres d'un à trois lits, avec salle de bain privée, des salles de repos pour accueillir les familles. Mais une autre aile, non rénovée, offre une autre vision : des dortoirs de quatre à huit lits, sans séparation de rideau et sans placards pour les effets personnels, avec sanitaires communs dans le couloir. Les équipes médicales mettent le même enthousiasme à soigner les patients des deux ailes, mais ce service hospitalier à l'ambiance parfois schizophrénique est à l'image du système de santé portugais : en avance dans de nombreux domaines, mais aux fondements menacés. 

Un glissement sémantique symbolise les changements en cours dans le domaine de la santé au Portugal. De "doentes" ("malades"), les patients du service public de santé sont progressivement devenus des "clientes" ("clients"). Antonio Ferreira, directeur de l'hôpital São João, utilise tour à tour les deux vocables dans les entretiens qu'il accorde. Parmi les médecins généralistes (appelés "médecins de famille" au Portugal), le terme de "clients" s'est répandu et fait débat sur les blogs dédiés à la santé. En prenant ses fonctions il y a un an, le bâtonnier de l'Ordre des médecins, José Manuel Silva, dénonçait au Correio da Manha ce changement lexical. Pour lui, quelque chose s'est brisé dans le Service national de santé (SNS) portugais 

Le SNS est une fierté, un acquis de la "révolution des œillets" de 1974, à la suite de laquelle le droit à la protection de la santé gratuite pour tous a été inscrit dans la Constitution. Inspiré par le National Health Service britannique, le SNS a permis au Portugal de s'élever au rang des nations en pointe sur les questions de santé, selon les classements de l'OCDE. Le Portugal est ainsi le premier pays en termes de réduction de la mortalité infantile et parmi les pays qui ont une espérance de vie en plus forte progression. 

Mais les restrictions budgétaires ont fait naître des doutes : le principe constitutionnel d'une santé de qualité et gratuite pour tous est-il encore garanti ? "Nous sommes en train de revenir trente ans en arrière, déplore Cristina Costa, présidente du Sindicato da saúde, un syndicat de Porto des personnels de santé. Nous avons actuellement le meilleur système de santé que notre pays ait connu, mais l'Etat est en train de le torpiller", résume-t-elle. 

"SEPT MOIS D'ATTENTE, 
QUAND ON A DES DOULEURS, C'EST LONG" 

L'une des principales difficultés pour les Portugais est l'accès aux centres hospitaliers. Dans le préfabriqué qui accueille les consultations ambulatoires de São João ("le préfabriqué est une solution provisoire", expliquent les services administratifs de l'hôpital, "mais qui dure depuis une vingtaine d'années"), Elisabete Ferreira, une Portuane de 39 ans opérée en mars d'une hernie discale, attend son rendez-vous de suivi. "Mon hernie a été détectée en août. J'ai obtenu un rendez-vous au bout de quatre mois avec une neurochirurgienne, puis celle-ci m'a mise sur liste d'attente pour une opération." En mars, Mme Ferreira a reçu un appel la prévenant d'un désistement : elle serait opérée le lendemain matin. "J'ai eu de la chance car je n'ai attendu que sept mois. Mais quand on a des douleurs, sept moi, cela peut paraître très long." La neurochirurgienne d'Elisabete Ferreira l'a également envoyée faire une consultation en rhumatologie. Mais avec une liste d'attente de six mois, Elisabete aura finalement été opérée avant d'avoir son rendez-vous.

Un peu plus loin, Clarinda Marques patiente depuis plus de trois heures cliquer pour lire la suite



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

merci de notifier votre nom et prénom, le modérateur se réservera le droit de ne pas publier le commentaire si vous ne l'indiquez pas.